<396>factures, enfin par un faible commerce. A mesure que ces établissements s'affermissent, naît un bien-être qui est suivi de l'aisance, sans laquelle les arts ne sauraient prospérer. Les Muses veulent que les eaux du Pactole arrosent les pieds du Parnasse. Il faut avoir de quoi vivre pour s'instruire et penser librement. Aussi Athènes l'emporta-t-elle sur Sparte en fait de connaissances et de beaux-arts.
Le goût ne se communiquera en Allemagne que par une étude réfléchie des auteurs classiques, tant grecs que romains et français. Deux ou trois génies rectifieront la langue, la rendront moins barbare, et naturaliseront chez eux les chefs-d'œuvre des étrangers.
Pour moi, dont la carrière tend à sa fin, je ne verrai pas ces heureux temps. J'aurais voulu contribuer à leur naissance; mais qu'a pu faire un être tracassé les deux tiers de sa course par des guerres continuelles, obligé de réparer les maux qu'elles ont causés, et né avec des talents trop médiocres pour d'aussi grandes entreprises? La philosophie nous vient d'Épicure; Gassendi, Newton et Locke l'ont rectifiée; je me fais honneur d'être leur disciple, mais pas davantage.
C'est vous qui, dessillant les yeux de l'univers,
Remplissez dignement cette vaste carrière,
Soit en prose, ou soit en vers.
Vous avez dans la nuit fait briller la lumière,
Délivré les mortels de leur vaine terreur;
La Raison dans vos mains a confié son foudre;
Vous avez réduit en poudre
Et le Fanatisme, et l'Erreur.
C'est à Bayle, votre précurseur, et à vous, sans doute, que la gloire est due de cette révolution qui se fait dans les esprits. Mais disons la vérité : elle n'est pas complète, les dévots ont leur parti, et jamais on ne l'achèvera que par une force majeure; c'est du gouvernement que doit partir la sentence qui écrasera l'infâme. Des ministres éclairés peuvent y contribuer beaucoup; mais il faut que la volonté du