<6> qu'à la prière d'un homme qui n'a jamais aimé en vous que vous-même, et qui n'est malheureux que parce qu'il vous a assez aimé pour vous sacrifier sa patrie. Je n'ai besoin de rien sur la terre que de votre bonté. Croyez que la postérité, dont vous ambitionnez et dont vous méritez tant les suffrages, ne vous saura pas mauvais gré d'une action d'humanité et de justice.
En vérité, si vous voulez faire réflexion à la manière dont j'ai été si longtemps attaché à votre personne, vous verrez qu'il est bien étrange que ce soit vous qui fassiez mon malheur.
Soyez très-persuadé que celui que vous avez rendu si malheureux aura jusqu'à son dernier moment une conduite digne de vous attendrir.
333. L'ABBE DE PRADES A VOLTAIRE.a
Le 14 novembre (1754).
Le Roi a reçu, monsieur, la lettre que vous avez eu l'honneur de lui écrire. S. M. m'a ordonné de vous répondre que vous vous seriez adressé à elle avec raison pour lui demander un passe-port, si vous aviez dû venir dans quelque ville de ses États; et qu'au reste, Montpellierb étant situé dans un pays libre, tout le monde pouvait y aller lorsqu'il n'y avait aucun empêchement particulier. Le Roi croyait
a Tirée des archives du Cabinet de Berlin.
b Frédéric écrit à mylord Marischal, le 31 décembre 1754 (t. XX, p. 289) : « Plus de Voltaire, mon cher mylord. Ce fou est allé à Avignon, où ma sœur l'a mandé. Je crains fort qu'elle ne s'en repente bientôt. » Voltaire n'alla ni à Montpellier, ni à Avignon, mais seulement à Lyon, d'où il écrit au comte d'Argental, le 20 novembre 1754 : « J'ai été plus accueilli et mieux traité de la margrave de Baireuth, qui est encore à Lyon. » Voyez notre t. XX, p. 62.