<115> recours à votre indulgence, à votre bonté, à votre équité. Prenez-moi tel que je suis, et que je resterai probablement jusqu'au moment que j'irai rôtir en purgatoire, entre votre défunte belle-mère et la bonne madame Lodron.
Mais avant que d'aller à ce lieu d'expiation, V. A. R. désire qu'on nomme des commissaires pour ajuster et régler ce qui se peut pour le commerce commun. Je vais, madame, selon vos intentions, remettre cette affaire aux ministres; nous détacherons grosse perruque contre grosse perruque, et ils feront des merveilles. Souffrez toutefois, madame, que j'ajoute à ceci quelques réflexions.
Vos bons amis, vos alliés, ces Autrichiens qui ont tant d'obligations à la Saxe pour s'être ruinée en couvrant et garantissant la Bohême des malheurs de la guerre; vos bons amis, dis-je, ont à peine attendu que la paix fût signée pour défendre tout commerce de leurs sujets avec la Saxe. Or, nous qui avons été vos ennemis, parce que feu le roi de Pologne l'a voulu absolument, nous n'avons rien fait de pareil; nous n'avons pas exercé envers vous la même dureté que vos amis n'ont pas eu honte de faire. Les Saxons ont voulu appliquer contre nous la méthode dont les Autrichiens en ont usé contre eux. Voilà l'origine de ce démêlé. Pour moi, qui ne peux vaincre l'ascendant que V. A. R. a pris sur moi, je me laisse entraîner; je pousse la complaisance jusqu'où elle peut aller. Mais, nonobstant cette facilité, une voix secrète m'arrête, et me dit : Ne trahis pas les intérêts des peuples qui te sont confiés. C'est donc sur cette voix secrète que ma grosse perruque recevra ses instructions, et qui mettra un frein à cette espèce d'abandon de moi-même qui me porterait à souscrire, madame, à toutes vos volontés. Mais qu'on vende ici un peu moins de basin de Saxe, ou qu'on achète à Leipzig un peu moins de nos étamines, tout cela, madame, n'influera jamais dans ma façon de penser à l'égard de V. A. R. Je ne vois qu'une personne en Saxe, à laquelle j'ai voué mon admiration; il n'y a que vous, madame, tout