<124> aux charmes de vos arguments. Vous avez, Sire, autant de force dans le style, autant de ressources d'imagination, que ces philosophes séduisants de nos jours qui essayent de revêtir le paradoxe des attraits de la vérité. Platon, dites-vous, a créé une république fantastique; c'est l'illusion d'une âme vertueuse. Où en sommes-nous, s'il est constaté que la vertu portée à son degré le plus prochain de la perfection devient une chimère et un être de raison? Ah! de quelle bouche sort cette sentence si triste pour l'humanité? Rappelez-vous ce mot, Sire : Heureux les hommes quand les philosophes deviendront rois, ou quand les rois seront philosophes!a Vous êtes roi et philosophe. Je suis tout étonnée de la hardiesse que j'ai d'y faire penser V. M. Vous n'avez pas besoin de mes réflexions pour connaître l'étendue du devoir des souverains, et je sens l'inutilité de mes efforts quand j'étale les préceptes d'une philosophie à mon gré. Au reste, Sire, en fait de morale, les opinions sont partagées. Mais si quelque chose peut me consoler de n'être pas assez habile, c'estb que rien n'est moins impraticable que mes maximes, c'est le bonheur d'avoir su au moins persuader V. M. que rien n'est plus vrai que mes sentiments d'admiration et de la haute considération avec lesquels je suis, etc.
a Platon, De la République, liv. V, chap. 18. Voyez t. XVI, p. 214, et t. XXIII, p. 388.
b Le mot c'est, qui ne se trouve pas dans l'autographe, nous a paru nécessaire au sens.