<132> princes. Vous ne voudrez pas que je croie qu'une puissance est pacifique parce qu'elle ne pourrait entreprendre la guerre qu'en achevant de se ruiner; vous ne voudrez pas que nous devinions ce qui dans quinze, dans vingt ans peut arriver. Que V. A. R., qui possède si bien l'histoire, se rappelle le jugement que la plupart des cours étrangères portèrent de Charles XII, lorsqu'il parvint à la régence. On crut qu'il donnerait dans le luxe et la magnificence, et ce fut le plus infatigable guerrier que l'Europe eût porté. Les jeunes souverains sont encore plus difficiles à déchiffrer que ne le sont les plus dissimulés des particuliers; car, quand même vous suivez les actions des grands, il vous reste toujours à débrouiller celles qui partent d'eux-mêmes de celles qui leur sont inspirées par d'autres. J'aimerais mieux, à la faveur d'un télescope, observer les astres; car, connaissant une fois le mouvement de leurs satellites, et les lois de l'attraction, auxquelles ils sont assujettis, je ne me tromperais guère dans le calcul de leur cours. Je laisse donc, madame, aux plus fins politiques l'étude de connaître ce jeune empereur à fond; et, content comme le vulgaire de l'almanach qui lui annonce l'histoire du ciel, je laisse ces astres et ces grands météores rouler paisiblement sur ma tête. Mais malheur à eux, s'ils grêlent sur mon champ!
Nous nous sommes amusés ici avec la tragédie et la comédie. Je suis sur le point de partir pour la Silésie, où, s'il vous arrive, madame, de perdre quelque fidèle domestique, je ne manquerai pas de lui dépêcher un passe-port au purgatoire. Daignez recevoir avec bonté mes hommages et les assurances de l'estime infinie avec laquelle je suis, etc.