<149> s'avisaient comme autrefois de prêcher une croisade, ne seraient pas vilipendés par tout le monde. Ils étaient des trompettes de discorde, et leur ministère était celui de la paix et de la douceur. Leur exemple me dégoûte de l'apostolat autant que mon insuffisance, et je me borne au proverbe : Chacun pour soi, et Dieu pour tout le monde. En effet, madame, c'est beaucoup si l'on peut en tout temps justifier sa propre conduite; il y a trop de faste et d'ostentation à vouloir réformer celle des autres. Être irréprochable, si cela est possible, voilà à quoi je me borne. V. A. R. peut juger, par ce que j'ai l'honneur de lui dire, que si l'Europe s'embrase, ce ne sera pas moi qui mettrai le feu aux étoupes. Toutefois je ne saurais me persuader que nous risquions de sitôt un nouvel incendie; toutes les probabilités y sont contraires, à moins qu'il n'arrive des événements fortuits que l'esprit d'aucun homme ne puisse prévoir.
Eh! madame, pourquoi me faites-vous des excuses pour votre lettre? Croyez-vous que je prends garde à autre chose qu'à la conversation que vous daignez faire avec moi? La faveur que vous me faites de me communiquer vos pensées m'est si précieuse, que si vos lettres étaient écrites, comme les oracles de la sibylle, sur des feuilles d'arbres, je les recueillerais et les lirais avec le même plaisir.
Je crois devoir vous notifier, madame, que nous sommes accouchés d'une fille, qu'elle a été dûment baptisée, qu'elle a reçu vingt-quatre noms, de crainte que si on oublie l'un, qu'on en retrouve un autre, et que nous faisons déjà des projets pour la marier. Comme V. A. R. va devenir tante dans peu, elle voudra bien d'avance en recevoir mes félicitations, étant avec la plus haute estime, etc.