<303> conducteur à la fougue de ses chevaux. Mais, madame, les prédécesseurs de Ganganelli, par jalousie de métier, ont fait main basse sur Apollon, et nous abandonnent à de misérables charlatans qui prétendent posséder l'art d'Esculape, et qui travaillent dans l'obscurité. C'est, madame, à votre grande âme que vous devez le rétablissement de votre santé; elle est demeurée inébranlable au funeste accident qui vous est arrivé; elle vous a peint toute l'espèce exposée à une foule de malheurs; elle vous a donné le courage de supporter celui que le plus singulier des hasards vous a fait essuyer. Sans cette tranquillité d'esprit admirable, les secours auraient été inutiles; mais une princesse philosophe sait souffrir sans être abattue. Je me félicite, madame, que ma lettre soit arrivée dans cet heureux moment de convalescence, et je fais mille vœux pour que de jour en jour la santé de V. A. R. aille en s'affermissant.
Vous voyez, madame, combien, à tous égards, je suis petit envers Apollon; ses oracles s'accomplissaient tous, et pour une misérable paix entre les Russes et les Turcs que j'eus l'étourderie de croire prochaine, je me suis trompé de trois années. Elle a été à la fin conclue, et il faut espérer qu'elle se conservera longtemps dans le nord de l'Europe, qui nous intéresse tous bien plus que le sud. La diète de Pologne tire à sa fin, et, après sa conclusion, chacun pourra cultiver en paix son jardin.
V. A. R. se contente de se promener dans ceux de l'Électeur son frère, et de répandre par sa présence la sérénité et la joie dans cette cour, où elle est adorée. La Saxe gémit de son absence, et réclame en sa personne celle qui donnait du lustre à toute la contrée; aussi n'y a-t-il sur notre horizon que des brouillards, madame, depuis votre absence, et la Haute et Basse-Saxe attendent leurs beaux jours de votre retour. En quelque endroit que V. A. R. place sa résidence, je la conjure de se souvenir, dans ses moments entièrement perdus, d'un être qu'elle doit compter depuis longtemps pour un de ses plus