<321> couple de jours chez mon frère Henri, à Rheinsberg, qui lui donnera quelques fêtes où sa promise assistera.
J'admire l'activité de V. A. R., qui se partage entre sa famille de manière que chacune de ses branches jouit alternativement du bonheur de sa présence. Elle y trouve également partout des cœurs qui lui sont dévoués, et la douce satisfaction de se voir chérie et adorée de ses proches. C'est plutôt mes vœux que mes prophéties, madame, qui vous ont annoncé la naissance d'un petit-fils; si mes souhaits étaient accomplis, V. A. R. jouirait d'une prospérité inaltérable. Voilà, madame, où se borne toute ma capacité; je n'ambitionne ni le titre de héros, ni celui de prophète; je n'ai combattu que pro aris et focis. J'admire Ajax, Achille, Alexandre, César, et me compare aussi peu à eux que l'on compare un jeu de marionnettes à celui de Le Kain. A l'égard des prophètes, on dit qu'ils ont été inspirés, et jamais telle chose ne m'est arrivée; je me trompe du jour au lendemain, et me ressouviens encore en rougissant de la précipitation avec laquelle j'avais annoncé à V. A. R. des événements qui tournèrent tout autrement que je ne les avais prévus. Cela m'a rendu modeste, madame, pour le reste de ma vie; et si jamais il m'arrive de prophétiser, ce sera le passé.
V. A. R. a bien de la bonté de s'intéresser à ma santé; quoique je me sois un peu remis, l'arrivée du grand-duc m'a empêché de me servir des bains domestiques que la Faculté m'avait prescrit de prendre; j'ai été obligé de remettre cette cure à l'arrière-saison. Je prévois avec regret que cela me privera pour cette année du bonheur de recevoir ici V. A. R. Je me trouverai à son égard comme on se trouve envers les dieux; quoiqu'on ne les voie pas, on ne les en adore pas moins. Recevez, madame, avec bonté les assurances de la haute estime et de l'attachement inviolable avec lequel je suis, etc.