<345> frère, et la douleur profonde que m'a causée sa morta au moment où je croyais n'avoir plus rien à craindre, voilà, sans doute, des excuses bien légitimes. La comète d'Euler n'a présagé du mal que pour moi. La terre est restée à sa place, mais j'y ai encore perdu une des personnes qui m'y attachaient le plus, et ma perte en effet est irréparable. C'était un si bon frère, un si grand homme de bien! Aimant le genre humain, et admirant le héros qui l'honore, il eût bien mérité de vivre. Tant de vœux s'élevaient au ciel pour lui! Mais il était écrit que sa mort produirait un nouvel exemple des vicissitudes humaines que V. M. dépeint avec tant de force, que le nom d'une nation qui a subsisté en corps pendant des siècles s'éteindrait, et qu'un malheureux médecin, entêté d'un vain système, accélérerait peut-être un événement aussi funeste pour ceux qui en deviennent les victimes. Personne ne partage leur douleur plus vivement que moi, qui semble née pour survivre à ce que j'ai de plus cher. J'ai bien de la peine à revenir de mon accablement. Tout ce que je fais en contracte l'empreinte, et tout ce que je vois la renouvelle. Il n'y a pas jusqu'à la belle lettre de V. M., capable de dérider le front d'Héraclite en personne, qui dans ce moment n'ajoute à ma douleur. Rien n'est stable ici-bas; Frédéric même le reconnaît. Mais l'a-t-il bien éprouvé comme moi, lui qui, enchaînant la fortune à sa volonté, a su lui commander de suivre ses pas? Puisse-t-elle vous obéir toujours, comme elle le doit! puisse le plus grand des hommes en être toujours le plus fortuné! Ce sont des vœux, Sire, que je ne cesse de faire pour vous au sein de l'affliction comme au milieu de la joie; les événements ne peuvent rien sur l'estime inaltérable et sur la haute admiration avec laquelle je ne cesserai d'être, etc.


a Maximilien-Joseph, électeur de Bavière et frère de l'électrice Marie-Antonie, mourut le 30 décembre 1777. Voyez t. VI, p. 153.