<363> gloire soit pure, il faut qu'elle soit inséparable de la justice et de l'équité. L'histoire ne nous fournit malheureusement qu'une longue narration des crimes différents que les hommes ont commis; il faut au moins que de loin en loin on aperçoive quelques traits de magnanimité et de grandeur d'âme pour ne pas croire que le genre humain n'est qu'un ramas de bêtes féroces, incapables de mœurs ou d'humanité.
Il paraît que V. A. R. craint que Neptune, de son trident, ne parvienne à ébranler la terre; mais j'ose croire, madame, que de tels événements ne sont pas à appréhender, parce que les anciennes modes sont passées d'usage. Autrefois nos bons Germains croyaient que, lorsque la trompette guerrière sonnait au Mexique ou bien au Canada, il fallait se battre en Europe; il me paraît qu'on est entièrement revenu de ce préjugé. On est alternativement tantôt acteur, tantôt spectateur, et je crois que c'est le parti le plus sage. D'ailleurs, les misérables barques du Danube et de l'Elbe ne figureraient pas, je crois, parmi les grandes citadelles mouvantes qui couvrent la mer océane de leur immense poids, et qui bravent à la fois les équinoxes et tous les vents qu'Éole a renfermés dans ses gouffres. Cette guerre continuera sûrement encore l'année prochaine, et la renommée nous instruira de tous les hauts faits d'armes des héros marins par ses trompettes, messieurs les gazetiers de Leyde, d'Amsterdam, de Londres, de Paris et de Hambourg; et nous aurons la satisfaction de lire tranquillement comment M. d'Estaing a habilement profité du vent de nord-est qui est venu à souffler, comment M. de la Motte-Piquet a arboré à propos la voile du mât de misaine, comment M. Hardy a cinglé avec un vent de sud-est, et enfin l'histoire des trente-deux vents, fort intéressante pour tous ceux qui ne sont pas sujets aux fluxions, et qui ne craignent pas les vents coulis. Nous autres animaux terrestres, qui ne sommes pas accoutumés à vivre avec les baleines, les dauphins, les turbots et les morues, nous faisons, je crois,