<421>Après ce que je viens de dire, vous trouverez peut-être étrange que je vous demande encore quelques éclaircissements touchant la géométrie; mais comme c'est une science qui se trouve plus à la portée de notre compréhension que la métaphysique, je vous prie de m'expliquer comment vous employez l'analyse en géométrie, et en quel cas vous pouvez vous servir de la métaphysique, de même que des cas où l'application en est vicieuse. Souvenez-vous au moins que vous avez un disciple très-ignorant, et que ce n'est qu'en vous rabaissant à l'infini que vous pouvez m'instruire. Ce petit ouvrage augmentera encore les obligations que je vous ai de celui que vous venez de m'envoyer. Ma foi est si aveugle sur les connaissances que vous me communiquez, que si quelqu'un venait à disputer sur ces matières, pour trancher toute difficulté, je lui répondrais comme les disciples de Pythagore : Il l'a dit.
Il est bien fâcheux que l'art des conjectures soit si incertain; j'en ai fait souvent l'expérience. J'ai cru que si je me trompais, c'était ma faute, mais que l'art n'en avait pas moins des règles sûres. J'avais imaginé de m'attacher un certain philosophe qui a beaucoup de mérite, et j'avais raisonné ainsi : Un homme auquel on ne rend pas justice dans sa patrie, et qu'on y persécute même, doit se sentir disposé à chercher un asile où il puisse passer sa vie avec tranquillité. Où le trouvera-t-il, cet asile, que chez un philosophe? Donc ce philosophe persécuté doit nécessairement embrasser ce parti, que la raison et que la justice qu'il se doit à lui-même autorisent, et exigent en quelque manière de lui. Cependant je me suis trompé, et j'ai, depuis, renoncé à tout ce qui est conjecture. J'ai sans doute écrit quelque journal d'événements qui, se confondant dans la foule, seront oubliés bientôt. Qu'est-ce que la relation d'une petite fièvre que l'Europe a eue pendant quelques années, en comparaison de ces grandes maladies qu'elle a faites de siècle en siècle, et qui ont pensé la bouleverser plus d'une fois? Vos ouvrages, mon cher d'Alembert, dureront, quand