<436> en même temps les règlements de mon Académie.a Comme le plan en est nouveau, je vous prie de m'en dire votre sentiment avec sincérité.

Nous attendons ici M. Helvétius. Selon son livre, le plus beau jour de notre connaissance sera le premier; mais on dit qu'il vaut infiniment mieux que son ouvrage, qui, quoique rempli d'esprit, ne m'a ni persuadé, ni convaincu. A propos de l'histoire de vos jésuites, dont je vous remercie d'avance, le pape a envoyé une nouvelle bulle par laquelle il confirme leur institut; aussitôt j'en ai fait défendre l'insinuation dans mes États. Oh! que Calvin me voudrait de bien, s'il pouvait être informé de cette anecdote! Mais ce n'est pas pour l'amour de Calvin; c'est pour ne point autoriser encore plus dans le pays une vermine malfaisante, qui tôt ou tard subira le sort qu'elle a eu en France et en Portugal.b

Je vis à présent ici dans la plus grande tranquillité. Je m'amuse à corriger des vers que j'ai faits dans des temps de troubles; mais, mesurer des syllabes et clouer une rime au bout est une bien futile occupation, en comparaison de celles de certains grands génies, qui mesurent la vaste étendue de l'espace. Que voulez-vous? Je vous dirai, comme Fontenelle, qu'il faut des hochets pour tout âge. Je suis vieux, j'ai des infirmités, et les vers me font plaisir. Ma philosophie me dit qu'il y a tant de désagréments dans le monde, et si peu de plaisirs, qu'il faut saisir ces derniers où on les trouve; le grand point est d'être heureux, le fût-on en jouant aux poupées; mais on ne l'est guère quand l'estomac digère mal.

Je vous plains sincèrement de souffrir et de languir dans un âge


a Voyez t. IX, p. 87-98.

b Dans sa lettre à l'électrice Marie-Antonie de Saxe, du 1er février 1768 (ci-dessus, p. 164), Frédéric déclare qu'il conservera les jésuites dans ses États; et dans sa lettre à Voltaire, du 18 novembre 1777 (t. XXIII, p. 467), il expose les raisons qui l'ont engagé à prendre cette résolution. Voyez aussi, plus bas, sa lettre à d'Alembert, du 7 janvier 1774. Il écrit à son frère le prince Henri, le 19 juin 1769 : « Le pape abolira les jésuites; mais je ne crois pas que nous y gagnions la moindre chose, parce que ces bons pères ont été mis à sec par les enfants chéris de l'Église, et sûrement qu'on les dépouillera du peu qui leur reste avant de les extirper. »