<463> lui envoie sur sa Poétique;a il répondra sûrement à V. M. avec plus de satisfaction qu'il ne fera à la Sorbonne sur son Bélisaire. Le pauvre garçon est actuellement aux prises avec elle, pour avoir dit que Trajan, Marc-Aurèle, et les autres Frédérics des siècles passés, qui avaient sur celui de notre siècle le désavantage de n'être pas baptisés, pourraient bien, nonobstant le défaut de ce passe-port, être en paradis avec Caton, Socrate, Aristide, et quelques marauds de cette espèce que le paganisme a produits. Je veux mourir, Sire, si je sais où sont tous ces honnêtes gens; mais je les crois en enfer, s'ils sont en même lieu que les docteurs; les raisonnements qu'ils entendent doivent être un supplice pour eux.

J'ai lu et relu mille fois, Sire, avec la plus tendre et la plus respectueuse reconnaissance, ce que V. M. a bien voulu ajouter de sa main dans la lettre qu'elle m'a fait l'honneur de m'adresser. Elle a bien raison de dire qu'on ne conçoit rien aux sottises contradictoires qui abondent dans certains pays, non plus qu'aux belles et importantes querelles de nos pédants en robe avec nos pédants en soutane. Pendant que cette vermine se déchire, toute l'Europe a les yeux sur V. M.; on parle de la Pologne, de Danzig, de dissidents dont je crois que V. M. ne se soucie guère;b que sais-je enfin ce qu'on ne dit pas? Mais de quoi vais-je me mêler? Il me semble déjà entendre V. M. qui me répond, comme Achille à Agamemnon :

Vous lisez de trop loin dans les secrets des dieux.c

Je n'avais pas attendu les ordres de V. M. pour assurer le massif abbé d'Olivet qu'elle connaissait les e muets, et que crêp était sûrement un mot germanisé.d Il y a des fautes un peu plus essentielles


a Voyez, t. XXIII, p. 151, la lettre de Voltaire à Frédéric, du 2 mai 1767.

b L. c., p. 136, 137, 140, 144, 162 et suivantes.

c Iphigénie en Aulide, par Racine, acte I, scène II.

d Voyez t. XXIII, p. 140.