<477>guste, avec cette différence, Sire, que V. M. est bien plus précieuse au monde que Mécène, qu'il craignait la mort et que vous l'avez mille fois bravée, et que mes sentiments sont bien plus profonds et plus justes que ceux d'Horace.
Quelque éloquente, Sire, que soit la peinture dont j'ose me plaindre à V. M., j'aime mieux pour elle et pour moi la gaîté si philosophique avec laquelle elle sait traiter les sujets même de philosophie, sans y répandre moins de justesse et de profondeur. Elle aurait, par exemple, d'excellentes réflexions à faire en ce genre sur la procession que notre saint-père le pape vient d'ordonner parce que la religion catholique a le malheur de ne pouvoir plus opprimer et persécuter les dissidents en Pologne. C'est afficher bien adroitement l'esprit de cette religion, et donner beau jeu à ses ennemis.
V. M. traite un peu trop mal la géométrie transcendante. J'avoue qu'elle n'est souvent, comme V. M. le dit très-bien, qu'un luxe de savants oisifs; mais elle a souvent été utile, ne fût-ce que dans le système du monde, dont elle explique si bien les phénomènes. Je conviens cependant avec V. M. que la morale est encore plus intéressante, et qu'elle mérite surtout l'étude des philosophes; le malheur est qu'on l'a partout mêlée avec la religion, et que cet alliage lui a fait beaucoup de tort.
J'apprends que M. de Castillon le fils n'a point la place d'astronome, qui a été donnée à M. Bernoulli. Ce dernier est sans doute un très-bon sujet; mais je prends la liberté de recommander l'autre de nouveau aux bontés de V. M.; si elle daignait le donner pour aide à M. son père dans l'astronomie, et y joindre une pension dont il aurait besoin, cette famille estimable lui aurait une éternelle obligation.
Puissiez-vous, Sire, faire encore longtemps des ouvrages tels que celui que je viens de lire, à condition que ces ouvrages n'auront pas un si triste objet, et surtout une péroraison aussi douloureuse pour