<501> se donnent les Russes et les Turcs ne s'étendront pas jusqu'à vos États, ni jusqu'à la France. Je ne sais d'ailleurs ce que V. M. pense de cette savante et glorieuse guerre; il me paraît qu'elle ressemble jusqu'ici à la joute d'Arlequin et de Scapin, qui se menacent avec grand bruit, se donnent quelques coups de bâton, et s'enfuient chacun de leur côté. Ce qu'il y a dans tout cela de plus plaisant, c'est de voir l'imbécile et sublime Porte protectrice du papisme des Sarmates. Cette sottise ne serait que plaisante, si elle ne faisait pas répandre tant de sang. On dit, à propos de pape, que le cordelier Ganganelli ne promet pas poires molles à la société de Jésus, et que saint François d'Assise pourrait bien tuer saint Ignace. Il me semble que le saint-père, tout cordelier qu'il est, fera une grande sottise de casser ainsi son régiment des gardes par complaisance pour les princes catholiques; il me semble que ce traité ressemblera à celui des loups avec les brebis, dont la première condition fut que celles-ci livrassent leurs chiens; on sait comment elles s'en trouvèrent. Quoi qu'il en soit, il sera singulier, Sire, que tandis que Leurs Majestés Très-Chrétiennes, Très-Catholiques, Très-Apostoliques et Très-Fidèles détruiront les grenadiers du saint-siége, Votre Très-Hérétique Majesté soit la seule qui les conserve. Il est vrai qu'après avoir résisté à cent mille Autrichiens, cent mille Russes, et cent mille Français, il faudrait qu'elle fût devenue bien timide pour avoir peur d'une centaine de robes noires. J'avoue qu'elles sont ici plus à craindre.
Voltaire, qui voudrait mieux que la destruction des jésuites, comme V. M. le sait bien, s'est trouvé si bien de sa communion pascale de l'année dernière, qu'il a voulu cette année-ci reprendre, comme on dit, du poil de la bête. Il a pourtant affaire à un évêque de Genève, ci-devant maçon, à ce qu'il prétend, et depuis porte-Dieu, qui voudrait le faire brûler. Il m'assure qu'il n'a point du tout de vocation pour le martyre, et qu'il ne veut point être exposé au sort du chevalier de La Barre; je lui réponds, pour ranimer sa foi,