<567> solide, quand elle est dispensée par des héros et par des princes sur lesquels tout leur siècle a les yeux fixés. Je laisse à V. M., ou plutôt à tout autre qu'elle, à faire en cette occasion l'application de cette maxime. V. M. prétend que Voltaire et moi, nous nous égayons sur son compte en la jugeant utile au progrès de la philosophie. Non seulement utile, Sire, mais très-nécessaire; nécessaire par vos ouvrages, qui servent à la fois à nous instruire et à nous éclairer; nécessaire par l'exemple que vous donnez aux souverains de ne point étouffer la lumière sous le boisseau, lorsqu'elle ne demande qu'à se montrer; nécessaire enfin par la protection que vous accordez à ceux qui tâchent de rendre leurs travaux utiles. Voilà, Sire, ce que nous pensons tous, ce que nous disons tous de concert, en tous lieux et dans tous les instants, et ce que nous ne cesserons de répéter, beaucoup moins pour votre gloire que pour notre encouragement et notre consolation.
V. M. aurait donc mieux aimé que j'eusse été voir Notre-Dame de Lorette, et les récollets du Capitole, que les pénitents blancs, noirs, bleus, gris et rouges dont le Languedoc est semé. Un de ces spectacles, Sire, vaut bien l'autre pour un philosophe; et quant à Saint-Pierre de Rome et au Vésuve, j'ai craint, Sire, d'après l'avis des médecins, et d'après la connaissance que j'ai de mon peu de force, que les fatigues d'un voyage de cinq cents lieues de Paris à Naples, à travers les neiges et les glaces des Alpes et des Apennins, dans les plus mauvais chemins du monde et les gîtes les plus détestables, ne fissent plus de mal que de bien à ma pauvre tête, et ne me dédommageassent pas des beautés de l'art et de la nature que l'Italie pourrait m'offrir. Je n'ai pas même osé aller jusqu'au bout de la Provence, parce que les vents affreux qui y règnent, et dont j'avais déjà éprouvé le mauvais effet dans le Bas-Languedoc, m'ont fait craindre que cet effet n'empirât. Me voilà enfin, Sire, de retour chez mes dieux pénates, jusqu'à présent plus fatigué que guéri, mais me trou-