<576> bancs des docteurs en métaphysique pour traiter de choses que les plus savants n'entendent guère mieux que les plus ignorants. C'est pour cela même que je crois qu'il m'est permis de parler de matières métaphysiques tout comme un autre; car s'il s'agissait du calcul infinitésimal ou des propriétés de quelque courbe, je me bornerais à vous écouter en silence, à vous en croire sur votre parole, et à vous admirer. Nous nous transportons ici dans le pays de l'imagination, sur lequel les poëtes ont plus de droits que les philosophes; ils ont été, comme on sait, les premiers théologiens et les premiers maîtres du genre humain. Notre dessein n'étant pas de nous enivrer de leurs anciennes fables qui ont encore cours, mais bien de porter le flambeau de la raison dans une région de ténèbres, pour distinguer, si nous pouvons, quelques vérités dans ce sombre abîme, et séparer, s'il se peut, quelques objets réels des objets imaginaires qui les enveloppent, il faut mettre à part tous les prestiges de l'imagination, et tâcher de raisonner le plus conséquemment que nous pourrons. Il s'agit de Dieu, de la liberté, de la religion, et de Louis XIV.
Je commence donc par Dieu, et par l'idée la moins contradictoire qu'on peut se former de cet être. Je suis convaincu qu'il ne saurait être matériel, parce qu'il serait pénétrable, divisible et fini. Si je le suppose un esprit, je me sers d'un terme métaphysique que je n'entends pas; en le prenant selon la définition des philosophes, je dis des sottises, car un être qui n'occupe aucun lieu n'existe réellement nulle part, et il est même impossible qu'il y en ait un. J'abandonne donc la matière et l'esprit pur, et, pour avoir quelque idée de Dieu, je me le représente comme le sensorium de l'univers, comme l'intelligence attachée à l'organisation éternelle des mondes qui existent; et en cela je ne m'approche point du système de Spinoza, ni de celui des stoïciens, qui regardaient tous les êtres pensants comme des émanations du grand esprit universel, auquel leur faculté de penser se rejoignait après leur mort. Les preuves de cette intelligence ou de