<577> ce sensorium de la nature sont celles-ci : les rapports étonnants qui existent dans tout l'arrangement physique du monde, des végétaux et des êtres animés; en second lieu, l'intelligence de l'homme; car, si la nature était brute, elle nous aurait donné ce qu'elle n'a pas elle-même, ce qui est une contradiction grossière.
La matière de la liberté n'est pas moins ténébreuse que celle de l'existence de Dieu; mais voici quelques réflexions qui méritent d'être pesées. D'où vient que tous les hommes ont en eux un sentiment de liberté? d'où vient qu'ils l'aiment? Pourraient-ils avoir ce sentiment et cet amour, si la liberté n'existait point? Mais puisqu'il faut attacher un sens clair aux mots dont on se sert, je définis la liberté : cet acte de notre volonté qui nous fait opter entre différents partis, et qui détermine notre choix. Si donc j'exerce cet acte quelquefois, c'est un signe que je possède cette puissance. L'homme se détermine sans doute par des raisons; il serait insensé s'il agissait autrement; l'idée de sa conservation et de son bien-être est un des puissants motifs qui le font pencher du côté où il croit rencontrer ces avantages. Cependant il est de ces âmes bien nées qui savent préférer l'honnête à l'utile, qui sacrifient leurs biens et leur vie volontairement pour la patrie, et ce choix qu'ils font est le plus grand acte de liberté qu'ils puissent faire. Vous répondrez que toutes ces résolutions sont une suite de notre organisation et des objets extérieurs qui agissent sur nos sens; mais sans organes nous penserions aussi peu qu'un clavecin pourrait rendre des sons sans cordes. Je suis d'accord que toutes nos connaissances nous viennent par les sens; mais distinguez ces connaissances de nos combinaisons, qui les mettent en œuvre, les transfigurent, et en font un usage admirable. Vous insistez encore, et vous m'alléguez les passions qui agissent en nous. Oui, vous triompheriez, si ces passions l'emportaient toujours; mais on leur résiste souvent. Je connais des personnes qui se sont corrigées de leurs défauts. Quelle différence ne trouve-t-on pas entre un homme bien