<579>tets dont la religion catholique, apostolique et romaine a décoré les fariboles dont elle a surchargé la simple morale du Christ; témoins le landgrave de Hesse,a Pöllnitz,b et tant d'autres. Mais supposé que vous puissiez retirer les hommes de tant d'erreurs, c'est encore une question de savoir s'ils valent la peine d'être éclairés.
Pour votre roi Louis XIV, ce serait proprement à ses Français à le défendre; il leur a donné de belles manufactures; il leur a donné de belles frontières, et les a si bien fortifiées, qu'il a rendu son royaume presque inattaquable; il a protégé les lettres. Les Français, par reconnaissance, devraient le justifier; mais puisque vous voulez que je sois son Don Quichotte, je prendrai la liberté de vous faire observer que longtemps avant lui les Romains avaient entretenu d'aussi grandes armées que les siennes, et que si nous avions ici cent mille laboureurs de plus, il nous faudrait encore trois cent mille arpents pour les placer; car chaque champ a son maître et des bras suffisants pour le cultiver. Et puis quelle confiance placer dans la foi de tant de princes qui la plupart n'en ont aucune? Et ces marionnettes, que je ne sais quelle fatalité fait agir, qui les jetterait dans un même moule pour en faire des princes pacifiques? Qu'il n'y ait en Europe que deux souverains à tête remuante, cela suffit pour mettre tout en alarme et en combustion. Voici donc comme je raisonne : de tout temps il y a eu des guerres; or, ce qui a toujours été doit être nécessairement, quoique j'en ignore la raison; donc en tout temps ce fléau destructeur désolera ce malheureux globe. Vous me permettrez encore de ne pas penser comme vous sur le sujet de la révocation de l'édit de Nantes; j'en ai vraiment une grande obligation à Louis XIV; et si M. son petit-fils voulait suivre cet auguste exemple, j'en serais pénétré de reconnaissance; surtout,
a Frédéric II, landgrave de Hesse-Cassel, se fit catholique en 1749. Voyez t. XXIII, p. 428 et 429.
b Voyez t. XIX, p. 174, et t. XX, p. 94.