<587>curé cette lecture. Je ne puis me refuser à celui d'en assurer V. M., quoique je voie, par la lettre charmante et très-philosophique qui accompagne ses vers, qu'elle se défie des éloges, même d'un géomètre qui n'en a jamais donné qu'à ce qu'il estime. Mais comme la meilleure manière de louer, c'est-à-dire la plus sincère, est de louer par les faits, je me bornerai à dire à V. M. qu'en lisant, même dès la première fois, son excellente Épître, j'en ai retenu, malgré moi, si elle le veut, un très-grand nombre de vers; et il me semble que le mérite des vers est qu'on les retienne. C'est même, selon moi, la pierre de touche infaillible pour les apprécier. Je prendrai donc, Sire, la liberté, tout géomètre que je suis, de dire que vos vers sont excellents, puisqu'une tête hérissée d'x et d'y trouve encore de la place pour eux, et je serai là-dessus
Dur comme un géomètre en ses opinions.aJe vois que V. M. a toujours une dent secrète contre la géométrie; mais je lui répondrai ce que disait le duc d'Orléans, régent, à une de ses maîtresses qui parlait mal de Dieu : « Vous avez beau faire, madame, vous serez sauvée. » V. M. aura beau dire aussi; elle est plus géomètre qu'elle ne pense, et que bien des gens qui prétendent l'être. Tous les esprits justes, précis et clairs appartiennent à la géométrie, et en cette qualité nous espérons, Sire, que V. M. voudra bien nous faire l'honneur d'être des nôtres. Il y a longtemps qu'elle a signé son engagement par ses écrits.
Tandis que V. M. m'envoyait d'excellents vers, je barbouillais de mauvaise prose que je prends la liberté de lui envoyer. C'est un discours et un dialogueb que j'ai eu l'honneur de lire en présence de
a Voyez t. XIII, p. 44.
b Voltaire écrit à d'Alembert, de Ferney, le 8 avril 1771 : « Je n'entendrai jamais rien dans les champs Élysées, où je compte bien aller, qui vaille votre Dialogue entre Des Cartes et Christine. Je ne sais rien de plus beau que votre éloge du roi de Prusse. Il ne vous avouera pas tout le plaisir qu'il aura eu d'être si bien peint par vous dans l'Académie des sciences; mais il le sentira de toutes les puissances de son âme. Non, personne n'a rendu la philosophie et la littérature plus respectables. » Voyez les Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. LXVII, p. 123.