<683> l'enverrai, si vous ne l'avez pas. Cependant la crainte de scandaliser vos visiteurs de lettres ou vos illustres commis des postes m'empêche de hasarder le paquet.
M. de Guibert a passé par Ferney, où l'on assure que Voltaire l'a converti, c'est-à-dire, l'a fait renoncer aux erreurs de l'ambition, lui faisant abjurer le métier affreux de bourreau mercenaire, pour le rendre ou capucin, ou philosophe; de sorte qu'il aura déjà publié une déclaration comme Gresset, avertissant le public que, ayant eu le malheur d'écrire un ouvrage de tactique, il s'en repentait du fond de son cœur, en y joignant l'assurance que de sa vie il ne donnerait des règles de meurtres, d'assassinats, de ruses, de stratagèmes et de pareilles abominations. Pour moi, dont la conversion n'est pas avancée, je vous prie de me donner les détails de celle de Guibert, pour amollir mon cœur et pénétrer mes entrailles.
Nous avons ici la landgrave de Darmstadt, qui revient de Pétersbourg, où elle a marié sa fille; elle ne tarit point sur les louanges de l'Impératrice, ni sur toutes les belles fondations que cette princesse a faites dans ce pays. Voilà ce que c'est que de voyager. Pour nous, qui vivons comme des rats de cave, les nouvelles ne nous viennent que de bouche en bouche, et le sens de l'ouïe ne vaut pas celui des yeux. Je fais, en attendant, des vœux pour le sage Anaxagoras, et je dis à Uranie : C'est à toi de soutenir ton premier apôtre, pour maintenir une lumière sans laquelle un grand royaume tomberait dans les ténèbres; et je dis au grand Démiourgos : Conserve toujours le bon d'Alembert dans ta sainte et digne garde.