<691>trichiens, les Impériaux, les Français et les Suédois réunis n'ont pu dépouiller d'un seul village? Mais je crains, Sire, que d'autres princes que vous, qui ne résisteraient pas de même à toute l'Europe, et qui ont arraché cette ciguë de leur jardin, n'aient un jour la fantaisie de vous en emprunter de la graine pour la ressemer chez eux. Je désirerais, Sire, que V. M. fît un édit pour défendre à jamais dans ses États l'exportation de la graine jésuitique, qui ne peut venir à bien que chez vous.
J'ignore si on a défendu à M. de Guibert l'exportation de sa personne dans les États du Nord; mais je sais qu'il n'aura pas l'honneur de faire sa cour cette année à V. M., comme il le désirait et l'espérait. Il souhaitait ardemment de revoir les manœuvres admirables de vos troupes; il souhaitait surtout de revoir le dieu qui fait mouvoir cette belle et grande machine, et de soumettre sa tragédie du Connétable de Bourbon au jugement du monarque qui réunit le génie d'Apollon à celui de Mars.
M. le comte de Crillon sera plus heureux, Sire; il aura le bonheur de revoir V. M.; il lui dira des nouvelles de ces Russes qui devraient bien faire la paix, et de ces Suédois qui feront bien de ne point faire la guerre; mais ce qui m'intéresse infiniment, il me dira des nouvelles de V. M., et lui renouvellera l'hommage des sentiments de respect, de reconnaissance et d'admiration que je lui dois. Je prends la liberté de recommander de nouveau M, le comte de Crillon aux bontés de V. M.; j'ose lui répéter que plus elle le connaîtra, plus elle l'en trouvera digne, et qu'elle le distinguera de cette horde de jeune noblesse française qui lui a donné à juste titre si mauvaise opinion du reste.
On m'écrit que Diderot est à la Haye; la maladie du pays le pressait de revenir en France. J'aurais fort désiré que V. M. l'eût vu et jugé, et je suis persuadé qu'il lui aurait plu par la douce chaleur de sa conversation et par l'aménité de son caractère.