<693> autres traits de gaîté, sont inconcevables dans un homme de quatre-vingts ans, et dans l'auteur de la Henriade et d'Alzire. Il faut dire avec Térence :a Homo homini quid praestat! (Qu'il y a de distance entre un homme et un autre!). Ce proverbe, Sire, est plus fait pour V. M. que pour personne. Ceux qui, comme moi, sont dans la classe commune ne peuvent même espérer de s'en tirer par les hommages qu ils vous rendent. C'est un sentiment qu'ils partagent avec tout le reste de leur malheureuse et chétive espèce.
Leur consolation est d'avoir des pareils, même dans les espèces, comme l'on dit, les plus haut huppées. Ce que j'ai eu l'honneur de mander à V. M. de la dévotion d'un certain prince d'Italie à saint Antoine de Padoue est très-vrai, et n'est que trop vrai, malheureusement pour ce prince, et heureusement pour l'Académie de Berlin, qui conservera M. de la Grange, et qui se passera de saint Antoine de Padoue.
V. M. a sans doute déjà appris que M. de la Grange vient de remporter pour la cinquième ou sixième fois, car j'en ai perdu le compte, le prix de notre Académie des sciences de Paris. Je ne puis trop me féliciter d'avoir procuré à l'Académie de Berlin un homme d'un talent si éminent et si rare, et plus estimable encore par sa modestie et par la douceur de son caractère que par son savoir et son génie.
Je m'aperçois, toujours trop tard, que j'abuse du temps précieux de V. M., et je finis en lui renouvelant les très-humbles assurances de la vénération profonde et de l'attachement inviolable avec lequel je suis, etc.
a L'Eunuque, acte II, scène II.