<85> mais les courtisans m'ont fort rassuré en me disant que la Bartolottia n'avait point de voix. Le procès est donc à présent entre sa poitrine et mes oreilles; à savoir qui des deux a tort.
J'ai connu, madame, quelques acteurs de votre comédie; il y avait un certain Favier, qui autrefois n'était pas mauvais. On trouve de ces histrions propres pour jouer la comédie; les bons tragiques sont même rares en France. La raison en est, je crois, que des ridicules bourgeois ou des fadeurs de petits-maîtres sont plus faciles à rendre par des comédiens issus de la lie du peuple que la dramatique et les sottises des grands, qui veulent être représentées avec dignité et une certaine élévation. Il faut que les germes de ces sentiments se trouvent dans l'acteur, ce qui est difficile, vu son extraction; d'où il arrive que, manque d'âme et de noblesse, ils sont ou faibles, ou bien outrés; ce qui révolte également le spectateur. Les seules tragédies supportables que j'aie vu exécuter l'ont été par des personnes de condition. Dernièrement mes neveux et mes nièces ont joué l'Iphigénie de Racine, et je puis dire avec vérité qu'il y avait des morceaux si bien rendus, qu'on ne pouvait retenir ses larmes. Voilà, madame, un des derniers amusements que nous avons eus ce carnaval; pour à présent, tout est fini, et le coin du feu succède à la dissipation du grand monde. Dans quelque situation que je me trouve, dans la solitude, soit dans la cohue, radoteur, ou conservant encore un reste de raison, je n'en serai pas moins avec la plus parfaite estime et la plus haute considération, etc.
a Chanteuse arrivée à Berlin au mois d'août 1764.