6. DE LA PRINCESSE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
Dresde, 28 août 1763.
Sire,
Je demande mille pardons à Votre Majesté de n'avoir pas répondu sur-le-champ à sa chère lettre. Je me flatte que son envoyé lui en aura fait mes excuses. Quoique nous n'ayons pas des occupations bien sérieuses, nos journées sont si remplies par différents exercices et spectacles, qu'on n'a presque pas un moment à soi, ce qui est plus fatigant qu'amusant. V. M. saura que nous avons représenté la Thalestris mercredi passé. Si j'eusse osé former un désir, c'eût été de l'avoir pour spectateur, comptant toutefois sur son indulgence, dont nous aurions bien eu besoin.
Je lui rends mille grâces de la bonté avec laquelle elle a daigné répondre aux questions que j'eus pris la liberté de lui faire. Il est certain qu'on ne saurait se promettre un avenir heureux dans la situation où sont les choses; et il est triste de devoir prévoir des malheurs sans oser rien faire pour les détourner. Mais, quoi qu il arrive, je ne me croirai jamais malheureuse, tant que j'oserai me flatter de ne devoir pas craindre de compter V. M. au nombre de nos ennemis; et c'est ce dont je me flatte sûrement, surtout pour moi-même, puisque je ne ferai jamais rien qui puisse me priver de l'honneur de ses<51> bonnes grâces, dont elle a daigné me donner de si tendres assurances, et que je la prie de me continuer, ayant l'honneur d'être, etc.