62. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
Dresde, 7 avril 1766.
Sire,
Si j'ai parlé morale et philosophie à Votre Majesté, je lui ai parlé une langue qui m'est bien moins familière qu'à elle; mais c'est pour provoquer vos réflexions, Sire, que je hasarde mes idées. Vous voyez que j'aime votre esprit aux dépens de mon amour-propre, et ce sacrifice n'est pas commun; peut-être me donnerait-il le droit d'en attendre dans l'occasion quelqu'un de V. M.; au moins, Sire, n'en demanderai-je jamais qui puissent gêner la tutelle dont vous tracez si fortement les devoirs. Chaque souverain a la même tâche à remplir, et c'est la mienne, Sire, autant que la vôtre. Sans doute que les<122> princes les plus heureux, les plus chers à l'humanité, sont ceux qui se facilitent mutuellement ces soins si respectables, et qui peuvent faire rejaillir sur leurs voisins une portion du bonheur qu'ils assurent à leurs sujets. Cette réflexion, Sire, excite quelques vœux dans mon cœur, et j'en espérerai toujours l'accomplissement, tant que vous accorderez un retour d'amitié aux sentiments d'admiration et de haute considération avec lesquels je suis, etc.