115. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
Dresde, 2 octobre 1769.
Sire,
La joie que m'a causée l'aimable lettre de Votre Majesté, que je viens de recevoir, et surtout l'heureuse nouvelle qu'elle contient, me laisse exactement autant de raison qu'il en faut pour vous témoigner l'excès de ma satisfaction. Je vous reverrai donc, Sire; j'admirerai de près Frédéric le Grand, et ce que depuis six ans je souhaitais avec tant de passion aura enfin lieu. Je suis si enchantée que V. M. y consente, que, au lieu de vous écrire, je serais déjà dans ma voiture, s'il n'y avait je ne sais combien de menus détails à régler quand il s'agit de faire partir une femme, surtout quand cette femme a le bonheur d'être princesse. Je risquerais trop d'être grondée par ma grande maîtresse, si je manquais à un point de formalité, et vous sentez bien, Sire, que je n'oserais en courir le hasard. Mais, quoi qu'il puisse arriver, et dussent toutes les grandes maîtresses et toutes les duègnes du monde me trouver en faute, il ne se passera pas quinze jours que vous ne me voyiez à Potsdam. Si j'étais un peu moins occupée de la satisfaction suprême qui m'attend, je parlerais à V. M. de celle que<198> me donne son entrevue avec l'Empereur, et de tout ce que vous m'en marquez. Je suis charmée d'apprendre, Sire, que votre sentiment à son égard appose aux miens le sceau de la certitude; mais je suis mille fois plus enchantée, plus ravie de pouvoir bientôt dire de bouche à Frédéric que, s'il a bien des admirateurs, il n'en a point qui l'honore plus que moi, qui enfin le mette plus que moi au-dessus de l'humanité. Veuillez agréer, Sire, ces sentiments, qui partent du cœur, ainsi que les assurances de la haute estime et du parfait attachement avec lequel je ne cesserai d'être, etc.