130. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
Le 10 juin 1770.
Madame ma sœur,
Je demande des millions d'excuses à Votre Altesse Royale de n'avoir pas plus tôt répondu à son obligeante lettre; mais j'ai été, madame, en Poméranie, à Magdebourg, à Brunswic, et je ne suis de retour que depuis hier au soir. V. A. R. a trop d'indulgence pour mes rapsodies; elle se contente de la bonté de l'intention qui guidait la plume de l'auteur, et elle veut bien suppléer elle-même à la faiblesse de l'ouvrage; et cependant j'appréhende beaucoup que les choses iront leur train ordinaire, et que des réflexions superficielles, que ce petit ouvrage a pu occasionner, s'évanouiront bientôt, et se dissiperont par ces occupations frivoles pour lesquelles le public a tant d'inclination et d'attachement.
Je suis au comble de mes vœux par l'espérance que me donne<221> V. A. R. de nous honorer de sa présence; vous faites à présent, madame, l'ornement et le plus beau lustre de nos princesses d'Allemagne. Je serai certainement excessivement flatté de vous posséder du moins pour un temps, de jouir de cette conversation aussi instructive que brillante, d'admirer ces talents que V. A. R. possède, et qu'elle semble ignorer, de pouvoir lui donner des marques de mon admiration, et de lui offrir des hommages d'autant plus sincères, qu'ils sont une suite de la haute considération et de tous les sentiments avec lesquels j'ai l'honneur d'être, etc.