142. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
29 janvier 1771.
Madame ma sœur,
La lettre de Votre Altesse Royale, que M. de Borcke m'a remise, m'a fait d'autant plus de plaisir, qu'elle m'est un gage de son entière convalescence, chose, madame, à laquelle je m'intéresse aussi vivement que le doivent tous ceux qui ont le bonheur de vous connaître. L'Allemagne aurait trop perdu, si une princesse qui en fait le plus grand lustre était disparue à la fleur de ses ans. Je fais mille remercîments à V. A. R. de ce qu'elle veut bien se ménager davantage sur sa santé. Si, madame, le prince Louis vous a écrit une lettre inconcevable, indécente et déplacée, comme votre confesseur ne vous en écrirait point, souffrez que je vous ennuie à mon tour en vous en écrivant une en style de la Faculté. Le prince Louis vous voudrait en paradis, et moi, je voudrais vous conserver le plus longtemps possible sur terre. Je vous demande donc en grâce que V. A. R. fasse dresser bien exactement un état de la maladie de laquelle elle vient de relever, et qu'elle en envoie copie aux plus grands médecins, pour savoir s'ils conviennent ensemble de la cause du mal; je voudrais encore que chacun donnât sa consulte pour les eaux minérales ou les bains qu'ils trouvent les plus convenables, madame, de vous ordonner pour corroborer entièrement votre corps; après quoi V. A. R., pouvant juger elle-même de celui qui a le mieux rencontré son état, pourra se servir du remède qu'il lui indiquera. Cette précaution, madame, n'est nullement à négliger, parce que les eaux ont des vertus très-différentes, et leur choix est de la dernière importance pour votre entière guérison.
Je vous demande pardon, madame, de me mêler de pareilles choses; il n'y a que mon attachement pour votre personne qui<236> m'oblige de communiquer mes idées à V. A. R., pour que je n'aie aucun reproche à me faire de ne lui avoir pas dit ce que la tendre part que je prends à sa personne me faisait appréhender. V. A. R. dira que sa maladie, outre le mal qu'elle lui a fait, lui attire les plus sottes lettres; que chacun ferait bien de se mêler de son métier, et non de celui des autres. Ce sont des vérités auxquelles je souscris, mais en la priant d'excuser au moins ma lettre en faveur de l'intention.
J'observerai, madame, le silence vis-à-vis la cour de Turin, et je ne dirai rien, à moins qu'on ne s'éveille là-bas, et ne donne quelque signe de vie, ce qui sera aussitôt rendu à V. A. R.
Je fais des vœux pour sa précieuse conservation depuis le 1er janvier jusqu'au dernier de décembre, ainsi que ces jours, qui servent d'époque aux vœux des autres, entrent pour moi dans l'ordre commun lorsqu'il est question, madame, de votre auguste personne. Je la prie de se souvenir quelquefois qu'il y a un solitaire, aux bords de la Havel, qui ne cesse de la considérer, de l'admirer et de lui être dévoué, étant, etc.