28. DE D'ALEMBERT.

Paris, 19 mai 1766.



Sire,

Je ne perds point de temps pour apprendre à Votre Majesté que M. de la Grange a reçu ses offres avec autant de respect que de reconnaissance; qu'il se tient trop heureux d'avoir mérité les bontés<445> d'un prince tel que vous, et d'être à portée de les mériter encore davantage par ses travaux; qu'il a demandé au roi de Sardaigne son souverain la permission d'accepter ces offres; que le roi de Sardaigne lui a promis de lui faire donner incessamment sa réponse, et a bien voulu lui faire espérer que sa demande ne serait point rejetée. Je crois donc, Sire, que M. de la Grange ne tardera pas à venir remplacer M. Euler;445-a et j'ose assurer V. M. qu'il le remplacera très-bien pour les talents et le travail, et que d'ailleurs, par son caractère et sa conduite, il n'excitera jamais dans l'Académie la moindre division ni le moindre trouble. Je prends la liberté de demander à V. M. ses bontés particulières pour cet homme d'un mérite vraiment rare, et aussi estimable par ses sentiments que par son génie supérieur. Je me tiens trop heureux d'avoir pu réussir dans cette négociation, et procurer à V. M. et à son Académie un si excellent sujet. Cet événement répand dans mon âme une satisfaction dont je n'ai pas joui depuis longtemps, et je suis sûr que mon estomac s'en ressentira. Je pourrai me flatter enfin d'avoir fait une chose agréable à V. M., honorable pour ses États, avantageuse pour son Académie, et d'avoir par là donné à V. M. de nouvelles marques des sentiments de reconnaissance, d'attachement inviolable et de profond respect avec lesquels je serai toute ma vie, etc.


445-a Voyez t. XX, p. XIV, XV, et 232-234, nos 20, 21 et 22.