30. DU MÊME.
Paris, 11 juillet 1766.
Sire,
M. de la Grange a dû écrire il y a déjà quelque temps à Votre Majesté pour lui témoigner sa profonde reconnaissance, et la disposition où il est d'accepter les offres que V. M. veut bien lui faire. Je m'étonne que la permission qu'il attend du roi de Sardaigne soit si<448> lente à venir; mais la cour de Turin, V. M. le sait mieux que personne, n'est pas prompte à se déterminer. Je serais cependant d'autant plus charmé de voir M. de la Grange à Berlin, qu'il y remplacerait très-bien M. Euler, et qu'il serait beaucoup plus utile à l'Académie que moi. Ce n'est point fausse modestie, c'est la pure vérité qui me fait parler ainsi : M. de la Grange est jeune, et je suis presque vieux; son ardeur est naissante, et la mienne décline; il se lève, enfin, et je suis prêt à me coucher.
On dit que V. M. désire aussi un astronome. Si elle n'en a besoin que d'un, et qu'elle n'ait pas d'autres vues sur M. de Castillon, je le crois très-propre à bien remplir cette place, par l'étude particulière qu'il a faite de l'astronomie et de l'optique. Il me semble, au reste, que l'observatoire de l'Académie aurait besoin de réparations et d'améliorations, du moins s'il est encore en l'état où je l'ai vu il y a trois ans. Quoi qu'il en soit, j'attends les ordres ultérieurs de V. M. au sujet de l'astronome, si elle en a quelques-uns à me donner. Je me flatte qu'elle rend justice à mon zèle et au désir que j'ai d'être utile à l'Académie. C'est pour cette raison que je propose M. de Castillon.
Monseigneur le prince héréditaire de Brunswic est parti avec l'estime générale et l'éloge de tous ceux qui ont eu le bonheur de le connaître; je crois qu'il doit être content de l'accueil qu'il a reçu; il en était assurément bien digne. Nous avons ici un prince de Deux-Ponts, qui n'est pas à beaucoup près si recherché, quoiqu'il ait eu l'honneur de commander cette brillante armée de l'Empire qui s'est tant distinguée dans la dernière guerre, et qui dispute cet honneur aux Suédois.
Je ne sais si j'ai eu l'honneur de parler à V. M. d'un Abrégé de l'Histoire ecclésiastique, imprimé à Berne. (Ce lieu d'impression est bien choisi, et me rappelle une chanson qui commençait ainsi : « Bernons Bernis, puisqu'il nous berne. ») Cet ouvrage est très-édifiant, et la préface surtout bien digne d'être lue; elle me paraît de main de maître,<449> et, quel que soit l'auteur, il mérite bien des remercîments de la part de la raison.
Je suis avec le plus profond respect, et avec tous les sentiments de reconnaissance et d'attachement inviolable que je conserverai jusqu'au tombeau, etc.
P. S. Je reçois, Sire, en ce moment, une lettre de M. Bitaubé,449-a qui me paraît pénétré de reconnaissance des bontés de V. M., et bien résolu de faire tous ses efforts pour les mériter de plus en plus.
449-a Voyez t. XXIII, p. 463.