<158> du traitement que ces superstitions ont valu en France à la mémoire de Voltaire; j'oserais vous proposer, Sire, une petite réparation qui mortifierait un peu les fanatiques; ce serait de lui faire faire dans l'église catholique de Berlin le service funèbre que nos prélats velches lui ont refusé. On vient encore d'insulter sa mémoire d'une manière indécente dans un plaidoyer fait au parlement de Rouen par un conseiller au parlement de Paris. Nos parlements, Sire, sont plus plats et plus ignorants que la Sorbonne, et c'est assurément beaucoup dire.
M. de Launay, qui compte partir incessamment pour aller rendre compte à V. M. de tout ce qu'il a vu de bon et de mauvais dans ce pays, est venu plusieurs fois à des assemblées où je réunis trois fois par semaine les gens de lettres et les gens du monde les plus instruits; et il pourra dire à V. M. qu'il n'y a pas une seule de ces conversations où chacun n'exprime, avec autant de force que d'intérêt, les sentiments d'admiration et de respect dont il est pénétré pour vous. Vous venez, Sire, de nourrir encore des sentiments si justes par les belles ordonnances que vous avez rendues en dernier lieu pour l'administration de la justice,a et que les plus sages législateurs auraient enviées à V. M. Que feriez-vous, Sire, de tant de juges français bien convaincus, non pas seulement d'avoir vexé, comme ceux de Cüstrin, un malheureux paysan, mais d'avoir fait périr des innocents dans les supplices? Aussi me revient-il que quelques-uns de nos cannibales parlementaires trouvent bien rigoureuse (car ils n'osent pas se servir d'un autre mot) la punition que V. M. a faite de ces magistrats prévaricateurs. Leur censure est un éloge de plus.
Un homme de lettres de beaucoup d'esprit, M. de Rulhière, qui a eu l'honneur, il y a trois ou quatre ans, de faire sa cour à V. M.,b et
a Décision du Roi. du 11 décembre 1779, dans le procès du meunier Arnold. Voyez J.-D.-E. Preuss, Friedrich der Grosse, eine Lebensgeschichte, t. III, p. 381-412, 494 et 495.
b Voyez ci-dessus, p. 59.