<207> dont V. M. m'a honoré le 28 mai; j'aurai l'honneur d'y répondre quand elle sera revenue de ses courses.
236. A D'ALEMBERT.
Le 14 juilleta 1781.
Me voici de retour des frontières des Sarmates, que j'ai parcourues, et je suis bien aise de me trouver dans ma cellule. C'est au prince Salm, aux élégants à talons rouges à remplir ce monde du bruit de leur nom et de leurs étourderies; mon âge m'éloigne de leur séquelle; il me porte à passer le reste de mes jours avec les anciens, que je joindrai dans peu, et m'éloigne des modernes, avec lesquels ce n'est pas la peine de faire connaissance. Ne pensez pas, je vous prie, en lisant ce début, que j'aie des vapeurs; je vous assure qu'il n'en est rien. Je vois entre les mains des Parques s'accourcir le fil de mes jours, sans que cela m'affecte; l'expérience journalière est une école qui nous apprend la vicissitude de notre être; nos molécules, qui s'échappent par la transpiration imperceptible, les différentes sécrétions du corps, ainsi que les saignées, nous accoutument à mourir en détail; apprivoisés à perdre des parties de nous-mêmes, nous nous encourageons à voir d'un regard stoïque la dissolution totale de la matière qui nous compose. Mais lorsque l'imagination s'éteint, que la mémoire devient infidèle, que la vue baisse ou s'obscurcit, chez la plupart des hommes l'amour-propre se gendarme contre le temps qui leur enlève des propriétés qu'ils pensaient être indélébiles; l'admiration qu'ils avaient
a Il faut sans doute lire juin; car le Roi, qui était parti de Potsdam le 1er juin, et avait passé par Cüstrin, Stargard et Graudenz, revint à Sans-Souci le 13 du même mois.