237. AU MÊME.
Le 22 juin 1781.
Je n'ai connu de Beaumont que l'archevêque de Paris,a digne d'être archevêque du diable, si cet esprit malfaisant existait, et qu'on lui rendît un culte. Je connais beaucoup Beaumont l'avocat,b respectable par son éloquence, par ses mœurs, surtout par la générosité courageuse avec laquelle il a soutenu la cause de la vertu opprimée; je n'ai pu lui refuser mon estime. Pour l'abbé de Beaumontc dont vous me parlez, je ne le connais que par le discours que vous avez eu la bonté de m'envoyer. Ce bon abbé me coupe la parole; il s'est malheureusement avisé de dire des choses si obligeantes, si flatteuses sur mon sujet, qu'il ne me reste qu'à l'admirer et à me taire.d Ah! mon cher d'Alembert, répétons quelquefois avec le bon Salomon les paroles les plus sensées qui lui soient échappées : Vanités des vanités! vanité de la gloire! L'homme est un atome noyé dans l'océan de l'éternité; le moment de sa naissance touche à celui de sa mort; le moins vicieux est le plus parfait; il passe ses jours à élever ou à détruire. Un être de cette espèce mérite-t-il un panégyrique? Passe encore qu'on perpétue les noms de ceux qui nous ont appris à labourer, à moudre, à pétrir, à étancher notre soif par des liqueurs bienfaisantes; passe qu'on éternise la mémoire de ceux qui persuadèrent aux hommes de sacrifier une partie de leur intérêt au bien de la société. Mais les autres, qu'en dirai-je? Ils n'ont été loués qu'à cause qu'ils ont fait du bruit, et leurs enthousiastes sont les premiers à purifier leurs appartements de guêpes et de frelons, parce qu'ils
a Voyez ci-dessus, p. 130 et 172.
b Elie de Beaumont, le défenseur de Jean Calas. Voyez t. XXIII, p. 142.
c Le Roi veut dire Boismont (Nicolas Thyrel de), auteur de l'oraison funèbre de l'impératrice Marie-Thérèse, et mentionné ci-dessus, p. 206.
d Réminiscence de Boileau. Voyez t. XVIII, p. 269, et t. XXIII, p. 303 et 418.