<219> entre dans la sphère de vos connaissances, de la lie hébraïque jusqu'au roi prophète; gare que la Sorbonne ne vous imite; alors on chantera dans Notre-Dame : Grand Dieu, exterminez les Anglais; que les mères et les enfants soient écrasés contre les pierres!
Et nos chiens s'engraisseront
De leur sang, qu'ils lécheront,a
Dans les régions pacifiques que j'habite, on trouverait ces vers dignes des Hurons et des cannibales; mais tout ce qu'on rejette ailleurs est sublime en Sorbonne. Ainsi j'espère qu'à quelque grande fête, en présence de l'Empereur, on régalera Joseph II de cet hymne.
Les vers de votre jeune homme ont de l'énergie; son talent est supérieur à son âge; gare qu'il n'ait le sort de Pic de la Mirandoleb et de Baratier,c qui tous deux moururent jeunes, victimes de leur génie prématuré. Mon banquier vous fournira quelque argent pour le poëte naissant. Des puristes de la latinité ont prétendu y trouver des gallicismes; mais un âge aussi tendre que celui du poëte excuse tout. Que j'ai été surpris de me trouver avec la religion dans un même drame, moi qui n'ai jamais habité le même toit avec elle! Je vois bien qu'il n'y a qu'à vieillir pour apprendre par l'expérience que rien
a Saül, drame, traduit de l'anglais de M. Hut par Voltaire, 1763, acte IV, scène V; David chante, en jouant de la harpe : Chers Hébreux, par le ciel envoyés,
Dans le sang vous baignerez vos pieds;
Et vos chiens s'engraisseront
De ce sang, qu'ils lécheront.
Œuvres de Voltaire
, édit. Beuchot, t. VII, p. 371; Psaume LXVIII, v. 24, selon la traduction de Luther (psaume LXVII, selon la Vulgate).b Né en 1463, mort en 1494.
c Jean-Philippe Baratier, né à Schwabach en Franconie le 19 janvier 1721, mort à Halle le 5 octobre 1740.