<225> parallèle avec Newton ni avec Des Cartes. Si mon jugement est téméraire, c'est à vous à le réformer.
J'aurais souhaité que la philosophie et la raison eussent détruit la superstition et le fanatisme; il me paraît que les choses prennent une autre tournure, et que si le monstrueux édifice de l'erreur se bouleverse, on ne le devra qu'à l'épuisement des empires, qui donne lieu à des systèmes de finance plus raffinés et plus perfectionnés. Je sais qu'il y a quelques années que le prince de Kaunitz travaillait à crayonner une ligne de démarcation pour prescrire des bornes au pouvoir spirituel des vicaires du Christ au profit de l'autorité temporelle de ses potentats. Ce sera apparemment pour exécuter ce projet tout de suite que le César Joseph entame cette négociation avec le saint-siége. La chaire de saint Pierre a été fondée sur le crédit idéal de la banque du Vatican; les lettres de change payables dans l'autre monde perdent sur la place, le crédit tombe; et quoique ces symptômes n'annoncent pas une banqueroute générale, ils y acheminent le public imperceptiblement. On diminue en plusieurs lieux le nombre des moines; ces organes de la superstition vont devenir paralytiques; le suisse du paradis sera réduit à n'être qu'évêque de Rome. Nous ne verrons pas ces beaux jours; cependant j'exalte mon âme comme Maupertuis l'enseigne,a et je vois ces belles choses avec les yeux de l'esprit, en bénissant l'heureux siècle qui jouira d'un avantage qui n'a point été accordé au nôtre. Et vous vous étonnez que je sois de bonne humeur, que je batte des mains, et que je m'enivre des présages flatteurs que mon imagination me fournit! Souvenez-vous que la tranquillité d'esprit et la gaîté sont la seule espèce de bonheur dont nous puissions jouir; c'est en nous-mêmes qu'il faut chercher notre
a « Il semble que les perceptions du passé, du présent et de l'avenir ne diffèrent que par le degré d'activité où se trouve l'âme; appesantie par la suite de ses perceptions, elle voit le passé, son état ordinaire lui montre le présent, un état plus exalté lui ferait peut-être découvrir l'avenir. »Lettres de M. de Maupertuis, A Dresde, 1752, lettre XVIII, Sur ta Divination, p. 154. Voyez t. XXIII, p. 9 et 105 de notre édition.