<249> lui étaient à charge, ont bravement travaillé à son abaissement, sans doute pour tempérer l'excès où elle poussait sa fierté et son dédain pour le reste de l'Europe. Dans cent ans d'ici, quiconque ressusciterait de nos contemporains ne reconnaîtrait plus notre continent. En attendant, je vous souhaite santé, prospérité et contentement. Sur ce, etc.
255. DE D'ALEMBERT.
Paris, 3 mai 1782.
Sire,
J'ai reçu presque en même temps deux lettres dont Votre Majesté m'a honoré à peu de jours l'une de l'autre, en réponse à deux lettres que j'avais eu aussi l'honneur de lui écrire. Je vois, par la première des deux réponses que V. M. a daigné me faire, qu'elle a été attaquée cet hiver, comme presque tous les précédents, de cette maudite goutte, qui, en la faisant souffrir comme Épictète, ne l'empêche pas d'être gaie comme Démocrite, sans qu'elle ait pourtant la morgue stoïcienne et absurde de ne pas regarder la goutte comme un mal. Je lisais ces jours passés la morale d'Épictète, plus grande que nature, exagérée, et faite pour l'homme imaginaire; et je dis de tout ce bel étalage, si peu à l'usage de notre faible nature, ce que le bon La Fontaine, tout converti qu'il était par le vicaire de sa paroisse, disait des Épîtres de saint Paul à son confesseur : « Votre saint Paul n'est pas mon homme. » La philosophie de V. M. est plus vraie, parce qu'elle est plus assortie à la nature humaine, et plus digne d'un véritable sage, qui voit les maux et les biens tels qu'ils sont, qui jouit de ceux-ci et souffre ceux-là, sans se louer et sans murmurer de sa destinée. Je profite