<250> le mieux qu'il m'est possible des leçons et surtout de l'exemple de V. M.; et quand ma vessie me fait souvenir qu'elle n'est pas une lanterne, comme dit le proverbe, je relis les lettres du roi philosophe, et cette lecture me soulage et me console.
Voilà donc le saint-père à Vienne, communiant le César, qui le persifle, et qui le renverra comme il est venu. Il n'aura eu d'autre satisfaction que de faire baiser sa mule aux capucins et aux belles daines, et de donner force bénédictions à la canaille. Je voudrais que Grégoire VII et l'empereur Henri IV pussent être témoins de ce spectacle, et du progrès que la raison a fait depuis sept cents ans. Le temps est un peu long, il est vrai, mais enfin la raison a cheminé comme l'aiguille d'une montre; sans avoir fait de grands pas, elle a toujours avancé, et la voilà en beau chemin. Gare la suite de ces événements pour la sainte Église catholique, apostolique et romaine. Je ne sais si le successeur de saint Pierre s'appelle dans son voyage l'abbé du Midi; mais il semble que dans ce beau voyage il a été chercher, comme on dit, midi à quatorze heures.
V. M. n'est pas exactement informée sur le compte de l'abbé Raynal. Il a été décrété, il est vrai, par nosseigneurs du parlement, plus ignorants que la Sorbonne, et plus intolérants que les capucins. Mais, devançant cet arrêt foudroyant, l'abbé Raynal s'est mis à couvert et hors de France; ainsi il n'est ni au Châtelet, ni à la Bastille, mais en sûreté à Bruxelles ou ailleurs; car on dit qu'il voyage en ce moment en Allemagne, qu'il a été même très-accueilli d'un vénérable prélat, l'électeur de Mayence. J'imagine qu'il n'oubliera pas, dans ce voyage, de voir le monarque philosophe qui vaut mieux à voir que tous les électeurs, et même tous les Césars, et je ne doute pas que V. M. ne le console des persécutions que le fanatisme lui a fait éprouver.
L'état de notre nouvelle planète ou comète est encore indécis, et sa maison est difficile à lui faire; on commence à croire pourtant qu'elle restera planète, deux fois plus éloignée du soleil que Saturne,