2. LE MÊME AU MÊME.
Paris, 10 décembre 1755.
J'ai reçu, mon cher abbé, votre lettre, et j'ai déjà louché en conséquence les six premiers mois de la seconde année qui viennent d'échoir le 1er du courant; on ne peut être plus reconnaissant que je le suis des bontés du Roi, et plus décidé à lui tenir le plus tôt qu'il me sera possible la parole que je lui ai donnée. Ce pourrait bien être dès l'année prochaine, s'il n'y a point de guerre, et que le sixième volume de l'Encyclopédie soit assez tôt fini, comme je l'espère. Vous ne m'avez point mandé si le Roi avait lu l'Éloge de M. de Montesquieu, et s'il était content de la manière dont j'y parle de lui;a s'il ne l'était pas, j'aurais bien joué de malheur. Il est impossible de lui être plus attaché que je le suis, et il ne tient pas à moi que toute l'Europe ne soit instruite de mes sentiments. Mettez-moi, je vous prie, à ses pieds le plus souvent que vous le pourrez. Si je ne me trouve point assez d'argent pour aller le voir au premier moment que j'aurai, je lui ferai demander sans façon la somme nécessaire pour le voyage, et s'il me remboursait même mon voyage de Wésel, ce serait probablement le seul que je lui coûterais; cet argent serait mis à part pour le voyage de Berlin, etc., etc.
a D'Alembert dit dans son Éloge de M. de Montesquieu : « Après avoir parcouru l'Italie (1728), M. de Montesquieu vint en Suisse. Il examina soigneusement les vastes pays arrosés par le Rhin, et il ne lui resta plus rien à voir en Allemagne, car Frédéric ne régnait pas encore. »