<377> siècle de Louis XIV, pour en faire mes choux gras en Fiance. Je crains que ces choux ne restent très-maigres, car depuis que le grand Voltaire nous a été enlevé, un vaste et effrayant silence a succédé aux chants harmonieux des rossignols, et n'est interrompu de temps en temps que par le croassement sinistre de quelques oiseaux de mauvais augure.
On m'a calomnié, Sire, en me faisant conducteur d'un jeune seigneur russe. On a bien de la peine à se conduire soi-même dans ce bas monde, et il faut être bien présomptueux pour vouloir conduire les autres. J'ai fait ce métier une fois dans ma vie, mais c'était pour un court temps, et à la prière d'une princesse à laquelle je n'avais rien à refuser.a D'ailleurs, on fait pour un prince du saint-empire romain ce qu'on ne fait pas pour un gentilhomme russe. C'est dommage que l'Impératrice m'ait fait colonel si tard, ce qui me prive même de l'espérance de conduire un jour un régiment vert, à travers les périls, à la victoire.
Je me propose, Sire, de faire un petit tour à Spa, pour faire ma cour à monseigneur le prince Henri. J'ai presque formé un vœu impie dans cette circonstance; j'ai désiré que la santé de V. M. fût assez mauvaise pour avoir besoin de ces eaux; j'aurais eu le bonheur inestimable de voir encore une fois celui qui a fixé les regards de son siècle, et qui fixera ceux de la postérité. Il n'y a point de chemin que je trouvasse assez long pour jouir de ce bonheur. Partout où je serai, Sire, V. M. aura un serviteur bien fidèle, mais malheureusement bien inutile; mon uniforme russe m'y oblige, et mon cœur encore davantage. Je recevrai partout les ordres de V. M. avec le plus profond respect, dont je dépose l'hommage à ses pieds, et avec lequel je suis, etc.
a Voyez t. XXIV, p. 666.