23. AU BARON DE GRIMM.
Potsdam, 24 octobre 1785.
Je vous suis fort obligé de la lettre de M. de Condorcet que vous m'avez fait parvenir. Voici la réponse; vous voudrez bien la lui faire tenir également. Je n'ai guère pu jouir de l'apparition de quelques Français dans ce pays-ci, entre autres, de M. de La Fayette.a J'ai passé quatre semaines dans la compagnie de la goutte plus désagréablement que dans celle de ces messieurs. Je félicite M. de la Grimmalière de l'augmentation que l'impératrice de Russie fait dans ses troupes, parce que la suite naturelle de ce changement sera sans doute de vous avancer d'un grade, et que peut-être, dans la guerre qui se prépare contre la Porte, ce sera vous qui prendrez Constantinople à la tête d'une armée victorieuse. Je serai le spectateur de ces hauts faits d'armes; et si la faiblesse de l'âge me donne de trop fortes entraves, je compte célébrer ces merveilles de nos jours, et placer votre nom entre celui d'Alexandre, de César, et celui de l'autocratrice de toutes les Russies entre ceux de Jupiter et de Neptune.
Sur ce, je prie Dieu, etc.
a Le marquis de La Fayette rendit ses devoirs au Roi, à Sans-Souci, le 1er août 1785, et après avoir assisté aux grandes manœuvres qui eurent lieu à Gross-Tinz en Silésie, du 22 au 25 août, il retourna à Berlin et à Potsdam, pour y assister de même, du 21 au 23 septembre, aux manœuvres, dirigées cette fois par le Prince de Prusse, Frédéric étant tombé malade. Le marquis de La Fayette retourna dans son pays au commencement d'octobre.