<477>dement de l'armée avec Minutais. Il dépendait de Fabius de l'empêcher; mais, de peur d'occasionner une guerre civile dont Annibal n'aurait pas manqué de profiter, il préféra le bien public à sa gloire personnelle, et consentit à tout. Les deux dictateurs partagèrent les troupes, et occupèrent, chacun à la tête de son armée, des camps différents. Instruit de cette séparation, Annibal tâcha d'en profiter. Connaissant l'ardeur inconsidérée de Minutius, il l'agaça tant, qu'il l'attira dans un combat et dans une embuscade. C'en était fait de Minutius, si Fabius avait balancé entre l'amour de la patrie et le souvenir de ses injures. Mais, oubliant celles-ci en faveur de l'autre, il ne songea qu'à secourir son collègue, qui, peu de jours auparavant, n'avait songé qu'à le perdre. Il marcha à lui dès qu'il le sut en danger, et il le dégagea si heureusement, qu'Annibal fut obligé de lâcher sa proie et de retourner à son camp. Les deux dictateurs, après cette action, retournèrent pareillement chacun au sien.
V. A. R., j'en suis sûr, ne saurait s'empêcher d'admirer la magnanimité de Fabius; mais je ne sais si elle ne fut pas effacée en quelque manière par la résolution que prit Minutius. Revenu dans son camp, pénétré de douleur et de repentir, il assemble ses légions, il leur avoue sa bévue et son insuffisance; il reconnaît la supériorité du génie de Fabius, il en loue la valeur, la prudence, la probité; il déclare qu'il est résolu de l'aller trouver, de lui demander pardon de ses fautes, de se démettre de son autorité, et de se soumettre, lui et toutes ses troupes, à celle de son collègue. « Je viens de me convaincre, dit-il à ses légions, que, bien loin d'être capable de commander en chef, j'ai besoin de quelqu'un qui me commande, etc. » « La seule occasion où je veux encore vous commander, c'est pour aller lui témoigner (à Fabius) l'exemple en me soumettant à ses ordres, etc. » Je trouve cette action de Minutius, sa facilité à avouer ses fautes, et sa promptitude à les réparer, je trouve tout cela si beau, si grand, que je le préférerais quasi à une bataille gagnée.