<483> et superstitieuse me fasse dénigrer les grands hommes que l'antiquité nous vante. Non, point du tout. Je rends hommage à la vertu où je la rencontre, et y eût-il des héros au delà des mers hyperborées, je les estimerais autant que leurs vertus le méritent; je crois seulement que ces grands hommes n'ont pas été ... égaux, et que les siècles de la chrétienté nous en ont fourni de même.

Ensuite la corruption est si grande dans le genre humain, que, à examiner jusqu'au fond les personnes les plus vertueuses, l'on trouverait (chose qui paraît paradoxe) que leurs vertus sont allaitées par des vices, ou, pour parler plus clairement, que leurs brillants dehors et leurs vertus apparentes ont le vice pour principe. Ainsi, à raisonner sur ce que l'expérience nous fait connaître, le monde a à peu près toujours été le même, et restera toujours tel.

J'en viens à l'auteur des vers sur la Retraite.a Ce n'est pas Keyserlingk, mais le général Grumbkow, qui, il y a trois ans, me fit part de cette pièce; et comme j'en aime beaucoup l'auteur, j'ai trouvé que je ne pouvais mieux faire que de puiser dans ses écrits, source pure et féconde d'une infinité de belles connaissances.

La main sur la conscience, vous connaissez celui que j'ai dépeint, et vous le devez reconnaître. Je n'y ai ni ajouté, ni diminué, n'ayant fait qu'un fidèle tableau de la représentation dans laquelle il est dans mon âme. Jugez, mon cher Quinze-Vingt, selon les belles idées que j'ai de cette personne, si je ne dois pas bien l'estimer, en connaissant en elle tant de perfections. Quittons la métaphore, et, en dépit de votre modestie, laissez-moi la satisfaction de vous dire en face que je ne connais que mon Quinze-Vingt en qui je trouve l'original de mon portrait, et qui soit digne de toute l'affection avec laquelle je suis, etc.

P. S. Je pars demain pour Potsdam, afin d'y faire mes dévotions.b


a Voyez t. XIV, p. 23.

b Voyez, t. XVI, p. 155 et 156, no 16; p. 158, no 18; t. XXI, p. 207 et 208.