<541>Il me semble que je vous vois recevoir votre fils, le serrer entre vos bras; après l'avoir compté perdu, vous avez la joie de vous le voir rendu. C'est une des circonstances les plus heureuses de la vie; le cœur y parle avec effusion, et chacun de nos gestes est une sincère démonstration du ravissement dans lequel nous nous trouvons. L'on voit cependant que la tendresse paternelle ne vous fascine pas les yeux sur la personne de votre fils. La galanterie dont vous l'accusez est, selon moi, plutôt une qualité qu'un défaut, et l'ambition qui le domine s'évanouira bien, s'il goûte un peu de la vache enragée, et qu'il réfléchisse que ce n'est ni le rang ni les dignités qui rendent les hommes illustres, et qu'il vaut infiniment mieux mériter d'être ce que nous ne sommes point que d'avoir des grandeurs sans les qualités propres pour les soutenir. L'élévation donne du ridicule à quiconque n'a pas de la vertu, et il n'y a rien de plus impertinent que de voir un fat revêtu d'honneurs. A ce prix, il ne dépend que de nous-mêmes de nous rendre dignes des plus hautes charges auxquelles on peut aspirer dans le monde. Tel qui est honnête homme est gentilhomme, et les rois ne sont grands qu'autant qu'ils sont justes.
Voilà un long sermon, qui ne serait pas pardonnable en autre temps; mais il l'est aujourd'hui, jour où jusqu'au moindre idiot de village se mêle de sermonner ses ouailles; je puis même, sans trop d'amour-propre, vous assurer que mon bon vieux curé n'en dit pas autant que cette lettre, car il se borne à vous assurer que le péché est péché et reste péché. J'en suis persuadé et convaincu. Je voudrais que vous le fussiez autant de la véritable estime avec laquelle je suis, etc.