33. DU COMTE DE MANTEUFFEL.
Brandebourg, 28 septembre 1736.
Me voilà tout d'un coup transformé de campagnard en ecclésiastique. Je me rends justice, et me crois plus propre pour la première fonction que pour la dernière. Il faut, en attendant, tâcher de faire son devoir partout, sinon en tout, du moins en partie. Dieu veuille qu'après neuf mois l'air de campagne opère! Il est certain qu'un royaume ne reste jamais sans successeur, et que le mort saisit le vif. Mais un prince que Dieu destine au trône, et qui a trois frères, doit souhaiter des héritiers pour couper le chemin à mille inconvénients. La matière serait très-longue à déduire, quoique très-évidente. J'espère que la prédiction de V. A. R., prononcée à Sanditten, fera faux bond, et s'accomplira aussi peu que l'axiome est sûr qu'il n'y a que le présent dont nous jouissons, et que l'on fait très-mal de se donner la torture pour l'avenir. La prudence cependant veut que, aussi loin que nos conclusions peuvent aller, nous tâchions de nous rendre ce futur agréable, quitte pour n'avoir rien à se reprocher, si le destin s'y oppose.
La description que V. A. R. fait de la situation du cœur paternel prouve l'excellence du sien, puisque, ne l'ayant pas été jusqu'ici, dont je suis moult fâché, on voit que la source ne vient que de la bonté du naturel exquis de V. A. R.; et ce qu'elle dit par rapport à la faveur sans mérite est inestimable.
Bien loin d'avoir défendu la galanterie, je n'ai prêché que l'éloignement pour la débauche, et j'ai dit à mon fils, en partant, que je souhaite qu'il tombe entre les mains d'une femme qui a l'usage du monde, pour le former dans la politesse, et qu'il soit en état de faire un cours de galanterie, sans donner dans le petit-maître ou le galant mystérieux et homme à bonnes fortunes. Il m'a répondu qu'il sui-