<67>La pauvre madame Geoffrin est dans la même situation, entourée de médecins qui ne peuvent la soulager, de sots et de dévots qui l'ennuient, privée de voir les personnes qui lui plaisent le plus, et moi de la triste douceur de mêler mes larmes avec les siennes.
V. M. veut bien me rassurer sur la guerre, que je craignais pour elle et surtout pour moi; je désirerais bien vivement qu'elle pût me rassurer de même sur sa santé, dont l'état chancelant m'alarme et m'afflige. Ménagez-vous, Sire, et conservez-vous pour vos peuples, pour la philosophie et les lettres, et j'ose ajouter, pour ma consolation. J'attends avec la plus grande impatience le printemps prochain, pour m'assurer par moi-même de l'état de cette santé qui m'est si chère, et pour remplir les vœux de mon cœur en mettant aux pieds de V. M. les sentiments d'admiration, de reconnaissance, de vénération et de tendresse avec lesquels je suis plus que jamais, etc.
178. A D'ALEMBERT.
Le 29 novembre 1776.
Ceux qui ont le malheur d'être méfiants poussent ordinairement leur curiosité trop loin; on ouvre les lettres, on veut pénétrer les secrets des familles, et l'asile des maisons n'est plus sacré. Soit Allemand, soit Français, quiconque a ouvert nos lettres n'y aura pas trouvé des aliments à sa curiosité. Quelques réflexions morales qui nous regardent, et voilà tout, ou des polissonneries qui ne sont bonnes que pour le moment; nous n'avons qu'à continuer de même, et nous les dégoûterons.
Je souhaite que mes lettres vous aient pu procurer quelque sou-