<90>tend pour s'amuser; mais il n'est pas aussi aisé d'amuser les autres. Encore le quaker Freeport a-t-il raison, dans l'Écossaise de Voltaire, quand il dit qu'il est plus difficile de s'amuser que de s'enrichir; c'est bien pis quand on veut amuser ceux qui s'ennuient.
J'ai lu le discours de M. Pitt, ou mylord Chatham, qui aurait bien mieux fait de conserver son premier nom.a Ce discours est en effet, comme le dit V. M., plein de vérités lâcheuses, mais que le gouvernement anglais n'a pas écoutées. Il s'acharne à cette guerre d'Amérique, qui ne lui réussira pas, et nous a donné le temps de mettre notre marine en état de résister à la sienne. Les dernières nom elles qu'on a reçues n'annoncent pas une campagne brillante de la part des Anglais. Je désirerais bien de savoir, s'il n'y a point d'indiscrétion à faire de pareilles questions à V. M., ce qu'elle pense de celte guerre, de la conduite politique et militaire des Anglais, et des manœuvres de Washington; je n'oserais pas lui demander son avis, si je n'étais bien sûr qu'en une phrase elle m'en dira plus que d'autres ne feraient en un volume. La netteté, la brièveté, la précision, caractérisent tous ses jugements politiques, militaires et littéraires, et l'avocat vénitien lui dirait comme à ses juges : È sempre bene. Mais il me semble que ce même avocat, s'il lisait cette longue lettre, me dirait, à moi, de me taire et de respecter les moments précieux de V. M. Je finis donc, en la priant d'agréer avec sa bonté ordinaire la tendre vénération avec laquelle je serai jusqu'à la fin de ma vie, etc.
a Voyez t. XIX, p. 292.