24 DU BARON DE GRIMM.
Le 24 janvier 1786.
Sire,
Je célébrais en silence, mais avec grande solennité, dans mon réduit philosophique, l'anniversaire de la naissance de V. M., lorsqu'une lettre envoyée par M. le marquis de Condorcet m'oblige de quitter mon autel et l'encens qui y brûlait, pour déposer aux pieds de V. M., avec sa lettre, mes vœux, et la rendre témoin de la solennité qu'un jour si grand et si auguste occasionne dans le réduit philosophique. M. de Condorcet, à qui ses calculs font quelquefois oublier l'almanach, se joint à moi avec ses vœux et son encens; ainsi, si V. M. esquive un de nos autels, elle ne pourra pas échapper à l'autre.
Il m'a envoyé sa lettre sous cachet volant, en me priant de la lire, et de joindre mes instances aux siennes pour que V. M. daigne assurer par un seul mot l'existence des lettres dont elle a honoré pendant une longue suite d'années feu d'Alembert. Le dépositaire après la mort de ce dernier, M. Watelet, vient de mourir,402-a et M. de Condorcet paraît craindre qu'une correspondance si mémorable ne soit pour jamais anéantie. Un seul mot, Sire, que vous daignerez mander à lui ou à moi, un simple ordre de V. M. que cette correspondance soit remise à M. de Condorcet ou à moi, la préservera de son anéantissement, et la conservera à la postérité.
J'ai servi V. M. contre le cri de ma conscience lorsque, à la mort de d'Alembert, elle m'ordonna de veiller sur ce dépôt et d'empêcher sa publication. Si j'avais pu prévoir que M. Watelet suivrait de si près son ami, j'aurais supplié V. M. d'ordonner que ce dépôt fût remis entre mes mains; mais il en est temps encore, et soit que V. M. choisisse le marquis de Condorcet, ou moi, ou tous les deux en<403>semble, pour réclamer ce dépôt précieux, le zèle sera le même, et nous aurons rendu ce service à la postérité.
Je suis avec le plus profond respect, etc.
402-a Le 12 janvier.