9. AU COMTE DE ROTTEMBOURG.
(Juillet 1743.)
Mon cher Rottembourg,
Je vous suis bien obligé de la peine que vous avez prise, pour le public et pour moi, de vouloir mettre à la raison le grand baladin de l'Opéra. Comme il me semble qu'il doit y avoir mesure à tout, et que les gages des personnes utiles à l'État doivent être infiniment supérieurs aux pensions de ceux qui ne le servent que par des gambades, j'ai résolu d'accorder, à la vérité, deux mille écus à Poitier et une somme pareille à la Roland; mais je ne saurais me résoudre à payer mille écus pour les deux enfants, qui ne peuvent faire ni service, ni plaisir au public; et si Poitier ne devient pas plus raisonnable sur ce chapitre, je serai obligé de le laisser partir avec tout son mérite. Je conçois que nous ne trouverons peut-être pas mieux en France; mais ceux qui viendront le remplacer ne coûteront pas tant.<576> et n'auront pas d'enfants, à ce que j'espère. Si Poitier veut, je lui promettrai de prendre ses enfants en service dès qu'ils seront d'âge, et de conserver sa pension au père, lors même qu'il ne sera plus en état d'aller.
Aujourd'hui j'ai exercé le premier bataillon, ce qui va fort bien. Nous avons ici une pécore qui se nomme le comte de Linange. Il ne peut être comparé qu'à nos goujats de l'armée du côté de l'esprit : je le mettrai dans l'olla de l'augmentation, où il servira de pièce de résistance, mais assurément pas d'épicerie.
Pöllnitz est malade; Fouqué boit du vin de Hongrie, et perd aux échecs; Keyserlingk boit de l'eau, et écrit des élégies à sa belle; le duc576-a boite, joue, et craint la rhubarbe; et votre petit serviteur vous assure de toute son estime et de tout son attachement. Vale.
576-a Le Roi parle vraisemblablement du feld-maréchal Frédéric-Guillaume duc de Holstein-Beck, né en 1687, mort en 1749; il faisait partie de la société intime de Frédéric.