27. AU COMTE DE ROTTEMBOURG.
Le 6 juillet (1745).
Mon cher Rottembourg,
Je viens de faire payer cinq mille écus par Splitgerber à Petit; ayez la bonté de lui écrire que je désirerais que cet argent fût employé pour me procurer un lustre de cristal de roche aussi beau qu'on peut l'avoir pour ce prix-là, et de le faire partir de la même façon que le précédent. Quand je saurai le prix des Watteaux, je les ferai payer également. Je vous demande pardon des petits détails dont je vous embarrasse; mais je connais l'amitié que vous avez pour moi, et j'en abuse peut-être.
Vous serez sans doute instruit de toutes nos farces de la petite guerre; heureusement que c'est nous qui donnons les coups. Tournai est à présent dompté; on dit très-fort que le roi de France en veut au duc de Cumberland, et qu'il veut absolument le voir encore une fois fuir devant lui. Le prince de Conti a choisi à présent une meilleure position que celle qu'il avait, et je crois qu'il est encore en état de faire quelque chose. Le roi de Sardaigne vient d'embrasser la neutralité; le prince de Lobkowitz se réfugie dans le sérail; les Français, les Espagnols et les Génois pénètrent dans le Milanais; les Hollandais ont choisi la fin de cette campagne pour le terme de leurs faits guerriers, desquels ils sont fort dégoûtés; enfin, si malheur n'arrive, nous verrons bientôt de nouvelles scènes, et peut-être une décoration plus avantageuse pour nous, sur le théâtre de l'Europe, que nous n'avions lieu d'espérer.
La journée du 4602-a fait un grand tintamarre dans le monde, et beaucoup d'honneur à l'armée; l'on en est charmé en France. Voltaire en veut faire un poëme; mais je vous prie d'écrire à Thieriot que je<603> priais le poëte de n'en rien faire, mais que s'il voulait me faire plaisir, il m'enverrait la Pucelle.
Adieu, mon cher Rottembourg; au plaisir de vous revoir en bonne santé.
Si vous n'avez pas de vin de Champagne, mandez-le-moi.
602-a La victoire de Hohenfriedeberg, remportée le 4 juin 1745. Voyez t. III, p. 125 et suiv.